mardi, février 26, 2008

Le Dakar et l’Afrique, c’est fini ?

Le Dakar et l’Afrique, c’est fini ?
AFRIQUE - 24 février 2007 - par XAVIER CHIMITS
Les organisateurs du « Dakar » n’ont pas perdu de temps. Un mois après l’annulation de l’édition 2008, consécutive à des menaces d’attentats en Mauritanie, ils ont lancé leur épreuve à la découverte d’un autre continent : l’Amérique du Sud (départ de Buenos Aires le 3 janvier 2009). Ils se devaient de réagir vite afin de rassurer écuries et sponsors. Après la perte sèche de cette année, l’équilibre économique du rallye-raid n’aurait, en effet, pas résisté à une deuxième annulation de dernière minute. Of­ficiellement, ce changement de cap radical a été bien accueilli. « Viva el Dakar ! » a même titré le quotidien français L’Équipe, qui, il est vrai, appartient au groupe Amaury, organisateur de l’épreuve. Certes, les concurrents retrouveront en Amérique du Sud tous les éléments constitutifs de la légende du Dakar - dunes et déserts -, mais il leur manquera l’essentiel : l’Afrique, cette lente descente vers la chaleur du Sud quand l’Europe grelotte, l’arrivée au lac Rose… Et ils ont fait leurs comptes : immobilisation prolongée des véhicules (qui partiront par bateau fin novembre pour revenir fin février), billet d’avion aller-retour… Tout cela est un peu dissuasif. Quant aux sponsors, ils savent fort bien que les retombées télévisées ne seront pas les mêmes avec un décalage de trois heures avec l’Argentine et de quatre heures avec le Chili. Et puis, comment emmener un client assister, le temps d’un week-end, à une étape du Dakar si celui-ci se déroule à l’autre bout du monde ? De ces réserves, Patrice Clerc, président du comité d’organisation, est conscient : « Les racines du Dakar sont en Afrique, explique-t-il, et nous y reviendrons forcément. Quand ? Je l’ignore. Je ne maîtrise pas les risques d’attentats politiques. » En trente ans, le Dakar a traversé dix-huit pays africains. Il était peu à peu devenu une sorte de baromètre : là où il passait, l’Afrique était en paix. Or force est de reconnaître que, depuis quelques années, son territoire se réduisait au Maroc, à la Mauritanie et au Sénégal. Adieu, Algérie, Niger, Tchad, Guinée, Burkina… Sans doute y a-t-il eu de la part des organisateurs une part de bluff. Plutôt que de s’exiler en Amérique du Sud, ils auraient pu tout aussi bien choisir pour 2009 la Tunisie, la Libye et l’Égypte. Ils ont préféré ouvrir un nouveau marché et prouver que le Dakar ne dépend pas uniquement de l’Afrique. Un autre élément a pesé dans leur décision. Si Michelle Bachelet, la présidente du Chili, estime que « le Dakar nous offre l’occasion unique d’attirer l’attention du monde sur notre pays », la tonalité a toujours été assez différente en Europe, où le soupçon de néocolonialisme n’était jamais très loin. Le Dakar n’est certes pas exempt de reproches, comme toute forme de tourisme de masse, mais l’annonce de sa délocalisation n’a curieusement soulevé aucune contestation. Comme si ce qui était condamnable en Afrique devenait anodin en Amérique du Sud. Sans doute serait-il temps que les Africains eux-mêmes disent si, oui ou non, ils veulent du Dakar.