mardi, juillet 01, 2008

MÉDIAS • L'Afrique doit lutter contre le prêt-à-penser

La crise du Zimbabwe souligne la domination des sources d'information occidentales sur le continent noir. Voilà pourquoi il est temps que les Africains reprennent en main leur destin médiatique, estime Le Pays de Ouagadougou.

Certes, dans ses rapports avec l'Occident, l'Afrique peut se féliciter du soutien financier et multiforme des actions de coopération, quoique parfois très peu désintéressé. Il est aussi incontestable que le continent bénéficie en Occident de la solidarité constante des médias et de la société civile face aux agressions dont sont victimes les professionnels de la presse et les défenseurs des droits de l'homme. Leur exigence de transparence dans la gestion des fonds et des élections, la dénonciation de la mauvaise gouvernance, le bâillonnement des libertés, en particulier, sont d'un apport considérable. Qu'on se rappelle la mobilisation médiatique autour du dossier des journalistes disparus, abattus ou emprisonnés, ou de celui des orphelins du Tchad.

Pourquoi alors s'étonner que des Africains applaudissent aux sorties du président Kadhafi de Libye qui défend l'idée d'un panafricanisme débarrassé de toute tutelle étrangère, et fondé sur la force du travail, la cohésion et la solidarité ? L'Occident s'impose à l'Afrique parce qu'il exploite ingénieusement les secteurs de la culture, de la science et de la technologie. Le transfert des connaissances et des technologies n'a pas toujours lieu dans les bonnes conditions. Cela renforce la dépendance de l'Afrique par le biais du financement de la formation et de la recherche. De plus en plus infantilisés, les Africains subissent la domination occidentale à tous les niveaux. Les masses demeurent analphabètes, la jeunesse marginalisée et désorientée reste sans repères. Les élites, formées pour la plupart au mode de pensée occidental, sont le plus souvent aliénées par les sources d'information extérieures ou simplement corrompues.

Enfin, l'Occident utilise à fond l'arme de l'information. Par le biais de la grande presse qui agite l'opinion et le Net qui peut facilement disséminer l'intoxication autant que la bonne information. Il apparaît ainsi que l'Afrique perd progressivement son âme pour avoir perdu l'arme de l'information et de la communication, si tant est qu'elle ait jamais disposé de cette dernière. Cette perte est considérable depuis le départ du Sénégalais Amadou Mahtar Mbow de la tête de l'UNESCO. La presse africaine dépend essentiellement des sources d'informations occidentales. Aucun journaliste africain ne va au Zimbabwe, mais chacun rapporte ce qu'elles en disent. C'est dire combien est urgente la réhabilitation de l'Agence panafricaine d'information. Tuée dans l'œuf, celle-ci aurait permis aujourd'hui de faire face aux nouveaux défis. Avec l'irruption des satellites, des technologies dont les ordinateurs, les cellulaires, les radios FM qui envahissent le quotidien des Africains et leur imposent des agendas, le formatage de l'esprit des Africains se fait graduellement au profit exclusif de l'Occident. Les pouvoirs africains qui s'appuient sur les médias extérieurs pour être plus visibles et soigner leur image, subissent aussi le juste retour du boomerang : devenus sujets, ils sont d'autant plus courus par les médias occidentaux qu'ils assassinent, torturent et embastillent très souvent les professionnels de leur propre pays.

Pour sortir de ce cercle vicieux, le continent doit œuvrer pour davantage de démocratie et d'alternance, préserver et promouvoir sa culture. Il faut promouvoir les médias tout en préservant les libertés démocratiques, développer le partenariat international dans le respect mutuel, renforcer les échanges Sud-Sud. Il est temps pour certains dirigeants africains de faire respecter les peuples dont ils sollicitent les suffrages, à défaut de se faire respecter eux-mêmes.

Le pays
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