mardi, septembre 23, 2008

Un rêve, trop lourd, de renaissance africaine

LE MONDE | 22.09.08 Nairobi, correspondant  La chute du président sud-africain, Thabo Mbeki, est en partie l'histoire d'une ambition qui a fini par se retourner contre elle-même. Pour l'Afrique toute entière, dont il rêvait de voir son pays être l'emblème et le meneur, il avait conçu un grand dessein, baptisé "Renaissance africaine". Pour cette renaissance, il fallait un guide, un inspirateur. Il se proposait naturellement d'être cet homme-là. Après tout, ne revenait-il pas aux têtes bien faites du Congrès national africain (ANC), vainqueurs de l'apartheid, de montrer le chemin ?  Pour avoir passé deux décennies de son long exil dans des capitales africaines, sans parler de neuf années en Angleterre, Thabo Mbeki s'était aussi longuement frotté au monde, tandis que ses compatriotes restaient enfermés dans leur pays-prison. Pour de nombreux critiques, c'est là que Thabo Mbeki s'est fourvoyé. A trop penser à l'avenir de son continent, il aura négligé de s'arrêter dans les townships sud-africains, auprès des humbles.  Pourtant, sous son influence s'est dessinée dans l'ex-pays paria une politique continentale commençant avec le règlement des conflits et se poursuivant avec l'extension de l'influence sud-africaine, comme s'il revenait de droit aux ex-marxistes de conduire les "pays petits frères".  Comment traduire en actes le concept de renaissance ? D'abord, en concevant un plan d'intervention pour régler les crises. L'Organisation de l'unité africaine (OUA) était pétrifiée dans la non-ingérence ? On la mit à mort, pour mieux la ressusciter en Union africaine désormais impliquée dans les crises du continent, y compris par des interventions militaires, au nom du principe des "solutions africaines aux problèmes africains".  L'Afrique du Sud déploie des troupes dans les missions des Nations unies sur le continent, en même temps que les efforts de ses médiateurs pour éteindre les grands incendies africains. Nelson Mandela avait ouvert la voie au Burundi. Thabo Mbeki se dévouera pour trouver une solution à la guerre régionale en République démocratique du Congo. Quitte à délaisser les affaires de l'Etat , disent ses détracteurs.  Bientôt, l'Afrique du Sud s'implique jusqu'en Côte d'Ivoire. Mais dans le sillage des soldats sud-africains de la paix, auraient dû suivre les grands investisseurs. Or, ceux de Chine, d'Inde ou d'ailleurs ont raflé la mise avant les compagnies minières sud-africaines au Congo. Quant au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad), immense projet aux ambitions salutaires dont M. Mbeki était l'un des initiateurs, il se dégonfle.  Thabo Mbeki l'Africain, qui prend conseil auprès de patrons de grandes multinationales, de Mitsubichi à la Deutsche Bank, et tisse des liens avec d'autres pays du Sud, du Brésil au Mexique a peut-être oublié, d'être, simplement, Thabo Mbeki le Sud-africain.   Jean-Philippe Rémy

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