vendredi, décembre 28, 2007

Le droit d’ingérence a trouvé ses limites au Tchad

COLETTE BRAECKMAN
Le droit d’ingérence a trouvé ses limites au Tchad
jeudi 27 décembre 2007, 07:32
Confronté à l’affaire de l’Arche de Zoé, Bernard Kouchner, aujourd’hui en charge des Affaires étrangères françaises, s’est tu dans toutes les langues. Pourtant, Eric Breteau et ses acolytes, inconscients, arrogants ou dévoyés, sont bien ses héritiers spirituels. Au début de l’année, ils avaient entendu Kouchner réclamer à grands cris une intervention dans le Darfour, où cependant des ONG sérieuses, des agences de l’ONU, étaient déjà à pied d’œuvre depuis quatre ans. Des propos de leur aîné, ces jeunes gens inexpérimentés avaient conclu que personne ne faisait rien, que la situation empirait (alors que tous les rapports disaient le contraire), que l’urgence l’emportait sur le droit.
Il s’agit là d’un dévoiement extrême de ce « devoir d’ingérence humanitaire », c’est-à-dire du « devoir d’assistance à peuple en danger » prôné par Kouchner et le juriste Mario Betatti qui estimaient que secourir les populations en détresse méritait bien de secouer le principe archaïque de la souveraineté des Etats. Dans le cas du Rwanda, ce principe aurait effectivement pu s’appliquer, comme il aurait dû l’être dans le Cambodge des Khmers rouges et autres paroxysmes. Mais à deux conditions : que l’ingérence soit le dernier recours après toutes les autres pressions (embargo, sanctions économiques, isolement diplomatique…) et qu’elle soit accompagnée d’une information donnant priorité aux faits sur les émotions et les emportements.
Si l’équipée de l’Arche de Zoé a suscité des réactions aussi passionnées en Afrique, c’est parce qu’on n’y a pas oublié que le « droit d’ingérence » a déjà été utilisé pour justifier les interventions militaires des Etats occidentaux, où la « lutte contre l’esclavage » et autres missions civilisatrices étaient les masques de l’entreprise coloniale. Si le droit d’ingérence était poussé à son extrême limite, la force des puissants primerait sur le respect de la souveraineté des Etats…
Au Tchad, le désir de faire quelque chose l’ayant emporté sur la connaissance du terrain et le respect des personnes, une bande de cow-boys a poussé l’ingérence jusqu’à l’absurde. Leur démonstration insensée et la condamnation qui a suivi inciteront sans doute leurs émules à plus de discernement.